La veillée pour Michael. Comment ne pas y aller. C’est un événement inévitable. Bien que particulièrement triste. Le fait d’avoir découvert son corps n’aide pas à me sentir mieux. D’autant plus que l’autopsie a bien révélé qu’il a été victime d’un homicide apparemment volontaire. Comment pourrait-on étrangler une personne sans faire exprès ou même par légitime défense, par l’arrière ? Je ne doute donc pas de ces faits et me mets à soupçonner tout le monde, y compris mon voisin. Heureusement que j’étais en service ce soir-là, ça permet de me disculper auprès de la majorité des personnes. Majorité, je précise. C’est donc vêtu de mon costume le plus sombre que je me rends à cette fameuse veillée, bien inconscient de qui je pourrais y rencontrer. C’est mon devoir de m’y rendre et je n’ai même pas eu l’idée d’essayer de trouver une excuse. Mais au moment de rentrer dans le bâtiment, mon téléphone se met à vibrer dans la poche de mon pantalon, qui eut le don de me surprendre. Je m’arrête donc en pleine marche, perturber par l’appel que je suis en train de recevoir, pour finalement me faire bousculer. Rien de bien méchant, mais juste assez pour redresser les yeux vers le ou la coupable. Je me fige littéralement sur place quand je m’aperçois que les traits de ce visage me sont plus que familier. Totalement déboussoler, mes lèvres s’entrouvrent pour n’y s’échapper qu’un simple souffle léger. Mais je me reprend rapidement et hésite. Le contact est établi et j’ai besoin de savoir si c’est bien elle. C’est Rachel, c’est sûr. Mais je ne veux pas non plus me faire passer pour un psychopathe. Bien qu’on ait été enfermé pour cette raison quand on était jeunes. Enfin, plutôt par rapport à nos troubles psychologique On ne se connaît non ? Lui demandais-je alors d’une voix délicate.

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Que cela pouvait-il être d’autre ? Ces traits qui étaient si juvéniles à l’époque, et qui sont devenus bien plus marqués, bien plus mûrs. J’ai du mal à croire que les années soient passées si vite. Plus de dix ans que je ne l’avais pas revu et pourtant, j’ai eu du mal à la sortir de mes pensées. Particulièrement après qu’on ait couché ensemble au centre. Malgré ma dépression, je pense que je suis vraiment tombé amoureux d’elle à l’époque. Elle était come ma bouée de sauvetage, celle qui m’empêcher de sombrer davantage dans les ténèbres. Il m’a fallu du temps avant de remonter la pente quand nos chemins se sont séparés. Le passé me revient alors en pleine face et plutôt d’avouer que je n’aurais jamais pu l’oublier, je préfère jouer au con indécis. La tristesse se lit sur ses yeux et pendant un instant, j’ose imaginer que ce sont mes paroles qui l’ont blessé. Mais on est à des obsèques et elle devait connaître Michael. Mais quand ses paroles sortirent de sa bouche, je me sentis encore plus con que jamais. Elle m’a reconnu, pour sûr, et le fait que je lui fasse croire que ce n’est pas mon cas semble la blesser. Je baisse légèrement les yeux et lui répond Excuses-moi, si, bien sûr que je t’ai reconnu. C’est juste que j’étais à mille lieux de m’imaginer te retrouver ici. Et ce n’est pas faux, au contraire, la revoir, ici, me perturbe complètement et je sens même les vieilles traces de mon cœur s’agiter en sa mémoire. De quoi me faire de nouveau paniquer et partir en dépression. Mais je serais plus fort que ça. J’y arrive de mieux en mieux à contrôler cette partie néfaste de mon caractère. Et je compte bien y arriver, même avec des éléments déclencheurs du passé.

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Dans cet enfer qu’a été ma dépression, Rachel a été ma lueur d’espoir, celle qui m’a fait comprendre que la vie vaut vraiment la peine d’être vécue et que la famille n’est pas censée avoir un tel pouvoir sur mon humeur ou sur ma propre vie. Ce n’est qu’avec cette rencontre que j’ai enfin pu comprendre tout cela, que j’ai pu sortir du centre et que j’ai pu faire les études que je voulais. Malgré le fait qu’aujourd’hui, je fasse un métier à l’encontre de ma passion. Mais cela m’a permis de trouver un nouveau but dans ma vie. Je pensais dur comme fer que Rachel en serait un, qu’on serait inséparable, même en sortant de l’institut. Je me suis détesté bien des fois rien que d’y penser. J’ai été stupide. Mais la revoir me fait raviver les belles flammes, pas celles qui auraient pu de nouveau me faire chanceler du mauvais côté. J’en ai même les yeux qui brillent. Parce qu’elle est encore plus belle que dans mes souvenirs. Etre une femme lui réussit tellement bien ! Mais avant que je ne puisse m’attarder sur son physique autre que son visage ou même savoir ce qu’elle est devenue, elle me parle naturellement d’avortement. Le seul mot qui résonne dans ma tête, comme si cette dernière n’avait jamais entendu parler de cette chose. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Le silence s’installe entre nous pendant que j’essaie de faire la part des choses De quoi est-ce que tu parles ? Finis-je enfin par demander, totalement perplexe et perdu. Elle n’était pas enceinte à l’époque quand je l’ai rencontré. Et puis pourquoi aurait-elle voulu couper les ponts avec moi ? Finalement, les pièces du puzzle finissent par s’assembler et je sens que le vertige n’est pas loin.

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L’histoire entre Evan et moi datait d’une époque qui me semblait résolue, une époque difficile de ma vie et à laquelle je ne voulais pas penser. Pouvait-on m’en vouloir d’avoir voulu couper les ponts avec cette partie de ma vie ? Je ne pense pas mais maintenant que je tombais sur Evan, je m’en voulais de ne pas lui avoir donné d’explications. En même temps, au vu de ce qu’il s’était passé entre nous, je me disais qu’il comprendrait mais je me sentais coupable de ne rien lui avoir dit. La réaction qu’il eut m’étonna, le silence plana quelques secondes entre nous avant qu’il ne me demande de quoi je parlais et qu’il semble aussi perdu que si cela n’était pas arrivé. Ce fut à mon tour d’être étonnée et je fronçai des sourcils, essayant de comprendre ce qu’il se passait. Était-il possible qu’il ne sache pas qu’on avait eu un bébé ensemble, la seule nuit où nous avions laissé cours à notre imagination et notre désir ? Ou alors, était-ce un souvenir qu’il avait enfoui et oublié pour mieux rebondir ? Je savais que les méthodes du centre étaient parfois limites et qu’ils auraient pu lui faire oublier… Mais, je ne savais pas trop, peut-être simplement, ils ne le lui avaient jamais dit. Cette explication était plus plausible quand je me souvenais de la tristesse que j’avais ressentie de ne plus entendre parler de lui pendant toute ma grossesse. J’avais été confinée dans un autre centre, pour que ma grossesse se passe au mieux. Au final, j’avais demandé des tonnes de fois à le voir mais on me disait toujours qu’il ne voulait plus me voir, qu’ils avaient passé le message mais qu’il ne voulait pas s’impliquer dans l’histoire. Je ne lui en avais pas voulu pour ça, j’avais été triste et déçue mais je ne lui en voulais pas. Nos vies étaient déjà très compliquées à l’époque et découvrir qu’elles allaient l’être encore plus en aurait fait fuir plus d’un…

« Quoi ? »

Dis-je simplement avant de laisser planer encore un silence pesant. Mais, au bout d’un moment, je rajoute bredouillante :

« Tu… Tu ne savais pas ? »

Je reste énigmatique pour quelqu’un qui ne sait pas de quoi je parle mais je suis tellement hébété par la révélation que je ne lui demande pas plus ni ne lui demande plus de détails…

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L’avortement. A-t-elle vraiment pu tomber enceinte de moi à cette époque ? Je reste totalement sur le cul, me sentant tout à coup fébrile, sentant même les émotions d’antan se réanimer. Comme si l’ado que j’étais se sentait trahi qu’on ne lui ai jamais rien dit ou même demandé. Parce qu’il aurait accepté les contraintes et les responsabilités. Ca lui aurait permis de rester avec Rachel. Mais ce ne sont que des hypothèses et cet ado a grandi et je ressens son désarroi malgré tout. Apprendre une telle nouvelle après tant d’années ne me laisse pas de glace, au contraire et je ne sais même pas comment réagir. Le doute m’envahit mais à voir sa réaction, je suppose que oui, cet enfant était aussi le mien. Même s’il ne devait pas être très développé lorsqu’elle a subi ce fameux avortement. Le silence règne quelques instants, alors que j’essaie de trouver une réponse décente à lui donner Non … je ne savais pas. Tu te doutes bien que je m’y serais opposé. Ou j’aurais été là pour toi au moins. Mes idées s’embrouillent et se mélangent. Je ne peux pas savoir comment j’aurais réagi. A 16 ans j’étais loin d’être aussi sûr de moi, au contraire. Mais je me serais battu, battu pour elle et le bébé, j’en suis sûr. J’étais si amoureux à l’époque. Tu sais, j’ai mis du temps à t’oublier. Je n’ai jamais vraiment pu à vrai dire. Est-ce que c’était vraiment le lieu et le moment idéal pour reparler de ça ? Clairement pas. D’autant plus que la cérémonie s’apprêtait à commencer. On ferait mieux d’y aller tu ne crois pas ? Histoire d’éviter davantage de connerie et de laisser aller.

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Je reste sans voix quand je comprends qu’il n’a jamais été au courant de ce qui m’était arrivé. A l’époque, je pensais qu’il avait été d’accord avec la décision prise par nos éducateurs et j’avais été blessée par cela. Je pense que croire qu’il n’était pas prêt à être père à mes côtés avait joué dans ma décision d’accepter de mettre fin à la vie de mon bébé. Je crois que si j’avais su qu’il s’y serait opposé, j’aurais peut-être pris la décision de le garder. Je ne sais pas et je ne pourrais jamais savoir ce qui se serait passé si jamais j’avais su… Encore une fois, c’était une décision qui ne m’appartenait pas et qui m’avait échappé, comme beaucoup de choix dans ma vie. Aujourd’hui, j’étais enfin maître de ma vie et ça me faisait un bien fou.

« Mon dieu ! Ce centre était vraiment pire que tout ! »

Me contentais-je de dire. Plus je vieillissais et plus je me rendais compte que ce centre avait fait plus de mal que de bien aux gens qui l’avaient fréquenté. C’était un endroit horrible d’où j’étais heureuse d’être partie à mes dix-huit ans. Puis, il me dit qu’il a mis du temps à m’oublier et qu’il n’avait jamais pu vraiment le faire. Je reste étonnée par cette révélation, je ne pensais pas avoir compté à ce point pour quelqu’un… En tout cas, pas à l’époque mais ça me touche et j’ai la larme qui me vient à l’œil : le contexte de l’enterrement de mon amant, les souvenirs qui remontent sur mon avortement, cette révélation et surtout, ma grossesse. Il n’en fallait pas plus pour que j’ai les larmes aux yeux.

« Moi non plus, je ne t’ai jamais vraiment oublié ! Tu as été mon premier amour et la première personne prévenante avec moi ! Tu m’as fait un bien fou à l’époque ! »

Et je dois bien avouer qu’il m’avait aidé à surmonter mon enfermement au centre… Il m’avait aidé à m’aimer un peu plus et à me souvenir de qui j’étais… Il m’avait aidé tout simplement alors que personne ne voulait m’aider. Puis, il me propose d’y aller et j’acquiesce de la tête avant de lui dire :

« Il faut qu’on se revoit maintenant ! J’ai très envie d’avoir encore un ami comme toi pour avancer dans la vie ! »

C’était ce qu’il avait été à l’époque, avant de devenir mon premier petit ami et j’avais bien besoin d’un ami comme lui pour les épreuves qui allaient suivre… Première étape : l’enterrement de l’homme que j’aimais…

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Cette révélation me restera à jamais gravé dans ma mémoire. Je ne peux m’empêcher de songer à tous ces moments passés avec elle. Quand est-ce qu’elle est tombée enceinte, notre premier baisé, notre première rencontre. Tout cela me submerge et me donne presque envie de tout casser, tellement tout s’est mal terminé. Particulièrement à cause du centre. Je ne peux qu’être d’accord avec elle lorsqu’elle signifie que ce centre a été le pire de tous. Et pourtant, j’ai tout de même réussi à me sortir de cette dépression qui me rongeait les sang et qui m’avait fait risquer ma vie. Faut dire que la présence de Rachel dans ma vie, dans ce centre, m’a particulièrement bien aidé. Deux années dures, mais que je ne regrette vraiment pas. Je lui fais donc part qu’elle a réellement compté pour moi, justifiant le fait que je n’aurais jamais été d’accord avec cet avortement. Mais apparemment, mon avis ne comptait même pas. De quoi se sentir encore plus impuissant. Mais aujourd’hui, oui, je veux être là pour elle à présent, et ça me touche d’autant plus quand une larme roule sur sa joue et qu’elle en profite pour me dire de belles choses également. Un sourire tendre s’affiche sur mon visage, à son égard et lui répond simplement et sincèrement J’en suis ravi. Avant de lui proposer de rentrer enfin pour cette dure épreuve. On se dirige alors vers l’intérieur et elle me fait part de son envie de redevenir amis et à cette idée, je ne peux qu’accepter C’est avec grand plaisir Rachel. Lui signifiais-je tout sourire, même si je vois bien que les traits de son visage sont particulièrement tirés, fatigués et tristes surtout. Ce qui me brise encore plus le cœur, mais me soulage parce que je vais être de nouveau là pour elle.

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