J’ai quinze ans et je viens d’entrer dans ce fichu centre pour enfants difficiles. Enfin, pour moi, ma mère et mon beau-père voulaient simplement se débarrasser de moi parce que ça fait longtemps que je les emmerde pour tout dire. J’ai bien compris qu’ils ne savent plus quoi faire de moi et de mon obsession que je ne suis pas ma sœur jumelle. Depuis mes dix ans où j’ai inventé ce jeu d’échange de jumelles, j’en paie le prix, tout ça pour faire rire maman qui ne sait plus rire depuis la mort de mon frère et mon père. A nous trois, nous avons dû survivre et pour maman, ce ne fut pas facile mais j’essayais de lui remonter le moral. Et mon échange devait être une blague mais Roxanne ne l’a pas vu comme ça puisqu’elle a décidé de garder son rôle, mon rôle parce que ma vie était bien mieux que la sienne. A l’école, elle était vue comme la pauvre demeurée et moi, j’étais aimée. Elle a très bien joué son rôle, je ne l’aurais jamais cru capable de faire ça et pourtant, je dois bien avouer qu’elle est très convaincante.

La directrice me présente à mes camarades et tout de suite, je le remarque, le petit blond au fond de la salle. Ce soir, apparemment, il y a une petite soirée pour accueillir les petits nouveaux dont je fais partie. Quelle chance ! Je suis un peu intimidée, ce qui n’était pas mon cas avant, j’étais super sociable et je reste un peu à l’écart mais je garde un œil sur ce garçon. Il s’approche du buffet et j’en profite pour y aller moi aussi, j’aurais l’impression d’être là pour une autre raison que de vouloir lui parler. Il a l’air un peu malheureux, je trouve et ça me touche, peut-être qu’on pourra se trouver des points communs lui et moi… Je suis près de lui maintenant mais je ne sais pas s’il m’a vu, il a l’air ailleurs et j’ai l’impression qu’il ne m’a pas vue. Alors, je force le destin et je pose ma main sur la sienne en train de prendre un verre sur la table, faisant semblant que ce n’était pas intentionnel.

« Oh pardon ! »

Dis-je simplement, un peu rougissante, j’avoue que j’ai toujours très bien joué la comédie…

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A quoi bon vivre. Voilà ce à quoi je n’arrêtais pas de penser lorsque j’avais 15 ans, presque 16 ans. La vie ne me donnait juste plus l’envie d’être continuée. Les seules personnes qui auraient pu me soutenir le mieux, sont celles qui m’ont enfermé ici. Si seulement c’était par pure bonté et par inquiétude, oui, j’aurais pu trouver ça touchant. Mais je sais qu’ils en ont marre de moi et de mes choix professionnels différents de leurs attentes. Je n’y peux rien si mon rêve est de devenir chimiste. Mais ça me ronge les sangs. J’aimerais tellement qu’ils m’aiment pour ce que je suis. Je ne sais plus qui je suis et je n’ai plus envie de le découvrir. Même la chimie ne me donne plus autant de joie. Ma décision était prise, je voulais mettre fin à mes jours, plutôt que de rester dans cette déprime si noire qui m’empêche d’avancer. Autant arrêter de se battre tout de suite. C’est ce que j’ai essayé de faire. Le poison que j’ai avalé a tout de même réussi à me laisser quelques séquelles. Je tremble par moment, n’étant plus très connecté à mon cerveau. Et la fatigue, n’en parlons même pas. Les insomnies se font de plus en plus fréquentes. Mais je suis là, debout, à moitié réveillé et totalement dans mes pensées les plus sombres, alors que se tient la « fête » de bienvenue des nouveaux. De quoi me donner envie de gerber. Si j’avais pu être ailleurs, dans mon lit, à ruminer et à réfléchir comment en finir, j’y serais. Mais j’ai déjà les mains liées, et on est bien trop surveillé. Je ne sais pas trop ce qu’est ce centre, si ce n’est qu’il n’y a que des adolescents. Je me décide tout de même à aller prendre un verre de jus, histoire de me réveiller un peu pour ne pas paraître non plus totalement zombie. Mais au moment où ma main se pose sur le verre que je compte me remplir, je sens la chaleur d’une autre main sur la mienne. Je me tétanise dans un premier temps et malgré la trouille incompréhensible, je relève la tête et là, je me fais frapper d’un rayon de soleil. Celui que je n’ai jamais vu. Celui qui me réchauffe le cœur et qui me fait oublier ma propre personne et mes problèmes stupides. Elle s’excuse et je bafouille N..Non, je t’en prie. Vas-y. Je relâche rapidement le verre et retire ma main tout aussi vite, mais j’aurais voulu y rester, encore. Je ne la connais pas et pourtant, c’est tout ce que je désire à cet instant précis. Alors contre toute attente, je sors complètement de mes accoutumances et me présente Je m’appelle Evan, et toi ?

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Je ne veux pas jouer avec lui, je veux simplement prendre contact avec lui mais je ne sais pas comment faire. Depuis notre échange, à ma sœur et moi, j’avoue que j’avais plus difficile pour aller vers les gens, ceux-ci avaient tendance à me fuir plutôt. Alors, je devais bien avouer que je devais maintenant recourir à ce genre d’artifices, ce qui ne me plaisait pas du tout… Pourquoi avais-je envie d’aller vers lui ? Je n’en savais rien mais il semblait aussi malheureux que moi et il était mignon, quelque chose en lui me plaisait bien alors tant qu’à être nouvelle ici autant que je me fasse des amis parmi les nouveaux, non ? Je fais donc semblant de m’approcher du même verre que lui, feignant une rencontre fortuite et je m’excuse auprès de lui, la rencontre peut commencer. Il m’invite à prendre le verre et je le fais lui offrant un petit sourire.

« Merci ! »

Dis-je alors que mon regard se pose sur lui et puis sur la salle, cette mascarade de fête pour les nouveaux alors que nous ne sommes pas là de notre plein gré. Il se présente alors, il s’appelle Evan et me demande comment je m’appelle.

« Rox… ! Rachel ! »

J’avais encore tendance à utiliser mon premier prénom, celui qu’on m’avait donné à ma naissance, ce qui me valait beaucoup d’ennuis. Ma mère ne cessait de me dire d’arrêter d’utiliser le nom de ma sœur, que mon histoire d’échange de personnalité devait cesser maintenant, que ce n’était pas marrant. Je confirme, ce n’est pas marrant du tout, me retrouver dans la peau de ma sœur un peu neuneu ne me plaisait pas du tout. Oh ! Je me trompais bien sur son compte finalement, elle savait jouer le rôle qu’on lui donnait à la perfection, de neuneu, elle était passée de la petite fille modèle. Mais, je ne pouvais pas la blâmer, moi-même j’avais bien réussi de passer de la petite fille parfaite à la fille à problèmes…

« Quelle mascarade cette fête hein ! »

Dis-je pour entretenir cette conversation mais je me voyais mal lui demander de but en blanc ce qu’il faisait là lui… Même si je devais bien avouer que découvrir pourquoi nous étions tous là m’intéressait, je ne voulais pas passer pour impolie. Oui, ma famille pensait que je l’étais, ils pensaient que j’agissais dans le seul but de me rendre intéressante ou méchante mais ça n’était pas le cas, loin de là. Je voulais juste qu’on m’entende, qu’on comprenne que ma sœur venait de me voler ma vie… J’étais en colère et je l’exprimais, mal mais je l’exprimais, tout simplement. Était-ce mal ? Pour ma famille, il semblait que oui.  

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Faut dire qu’avec mon caractère extrêmement renfermé et solitaire, je n’y connais rien en filles. Elles m’ont toujours évité, depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. Même si je ne cache pas que certaines peuvent m’intéresser. Mais pas assez pour que je puisse me focaliser complètement dessus. Me voilà donc enfermé chez les fous, des fous de mon âge environ, et c’est là que l’une des plus belles filles que je n’ai jamais vu m’accoste malgré elle. J’en perds complètement mes moyens et en oublie presque ce qu’on fait ici. Est-ce un coup de foudre ? Aucune idée. Un violent coup par contre, ça c’est sûr. Son sourire, aussi petit et léger soit-il, me fait fondre encore plus et je sens le chaud monter jusqu’à mes joues. Aucune idée de comment me comporter pour ne pas tout foirer, je décide de faire au plus simple et de me montrer amical, comme si de rien n’était. Je me présente et sa manière de le faire me rend plutôt curieux. N’allait-elle pas se présenter sous un autre prénom ? Elle me déstabilise peut-être mais je suis du genre attentif, particulièrement avec une personne qui m’hypnotise autant. Je ne relève tout de même pas l’information, n’y trouvant aucune utilité, puisque justement, je n’ai pas envie qu’elle me laisse mon sort. Pas tout de suite en tout cas Je ne comprends même pas le but de cette fête … Confirmais-je en quelque sorte les dires de la belle blonde. Je me passerais bien de ce séjour pour ma part. Après tout, peut-être que certains sont là de leur plein gré, ou qu’ils en ont réellement besoin. Tout ce dont j’ai besoin, c’est du soutien de mes parents, et ils ne trouvent rien de mieux que de m’enfermer ici. Autant dire que c’est un échec total. Mes idées sont encore plus macabres qu’avant. Enfin, pas depuis que ce visage d’ange est venu illuminer ma compagnie Même de leur boisson, je m’en passerais volontiers. Je fais alors une grimace, accompagnant mon geste pour poser ce verre de cette boisson infecte que je venais de prendre à l’instant.

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