« Nina, ne mets pas tes mains là, voyons, tu vas te faire mal ! »

Dis-je en rigolant. Cela ne m’était plus arrivé depuis tellement d’années, je ne me souvenais pas avoir été aussi bien depuis un long moment. Etre entourée de tous ces enfants m’aidait, je devais bien l’avouer, ils m’aidaient à ne plus penser à tous mes problèmes, à ne plus penser à cette grande perte qui meurtrissait mon cœur depuis tellement d’années maintenant. C’était la raison qui m’avait poussée à accepter ce boulot de bénévole à l’hôpital de la ville. J’avais appris qu’ils cherchaient des gens par mon association de femmes battues, par l’intermédiaire d’une amie à moi. Elle m’avait parlé de cela comme d’une thérapie et je l’avais prise aux mots, pour moi aussi, je voyais bien cette mission comme une thérapie pour me guérir. Me guérir de la perte de ma fille au travers d’enfants malades, d’enfants qui passaient leur temps à l’hôpital.

J’avais petit à petit établi des liens avec certains enfants, ceux qui étaient là depuis plus longtemps que les autres. Je savais que s’il arrivait malheur à l’un d’entre eux, je risquais à nouveau de tomber dans l’abime mais j’avais pris le risque parce qu’à force de vivre sans risque, je commençais à me faner et à ne plus vivre du tout. Aujourd’hui, c’est une journée spéciale, un événement a été organisé par les fondateurs de l’association, une journée « faites rire les enfants » avec tous les bénévoles qui souhaitaient y participer. Nous nous étions donc mis en tête de faire les clowns pour leur remonter le moral, pour ma part, je suis partie sur l’idée de leur raconter des histoires. Autour de moi, un tas de têtes blondes m’écoutent raconter l’histoire du petit chaperon rouge, en faisant de grands gestes, je ne racontais plus l’histoire, je la vivais, je la faisais vivre pour mes petits bouts de choux. Mais Nina, la plus téméraire du groupe, ne m’écoutait plus depuis un petit moment, elle s’était approchée d’une table où était déposé des tasses de café encore brûlant… J’avais dû m’interrompre ma petite histoire pour venir à son secours, laissant les autres enfants sans assistance.

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AVATARS PAR ANITA & ANGIE

J’évitais de justesse une catastrophe. Au vol, je rattrapais la petite qui allait se faire ébouillantée par toutes ces tasses qui trainaient. Quand je l’attrapais, elle prit ça pour un jeu et elle se mit à rire à pleine gorge, elle rigolait comme une folle. Moi, passée la peur et la surprise, je me mis à rire avec elle. Je prends sa petite main dans la mienne et me tourne :

« Petite chipie va ! Aller, on retourne voir les… ! »

Je ne termine pas ma phrase parce que je vois que quelqu’un a pris ma place dans mon fauteuil de conteur, un jeune homme s’est affublé d’une blouse qu’il s’était drapé sur les épaules pour jouer le rôle de la mère-grand. Il s’amuse dans ce rôle et cela me fait mourir de rire tout comme les gamins qui sont morts de rire. A côté de moi, la petite est aussi en train de rire, elle me lâche la main et part s’asseoir parmi les autres pour profiter du spectacle. Elle est bien plus absorbée que lorsque je contais mais je m’en moque. Je m’appuie sur le mur et je le regarde, le laissant faire puisqu’il était si apprécié. Quand il a fini, les petits crient « encore » et ils rigolent encore. Ils sont tous autour du jeune homme et moi, j’applaudis alors que je m’approche de lui.

« Bravo ! Vous avez réussi un tour de maître : vous les avez fait mourir de rire ! Et vous avez même réussi à attirer l’attention de cette petite chipie ! »

Dis-je en regardant Nina qui s’était aussi approchée du jeune homme, je lui ébouriffais les cheveux et je me présentai :

« Je m’appelle Alaina, je suis bénévole, vous aussi ? »

Demandais-je, curieuse de savoir s’il était là par hasard ou s’il était là pour les aider. Si c’était le cas, il avait un sacré potentiel.

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